Tribune des organisme en sécurité alimentaire : financement de crève-faim

Crédit photo : Boris Dunand

Le cri du cœur des organismes en sécurité alimentaire du Centre-Sud et du faubourg Saint-Laurent

L’annonce de la bonification de 112 millions par le gouvernement provincial pour les organismes en sécurité alimentaire est insuffisante pour répondre réellement aux besoins chiffrés à 460 M$ par le milieu. Les organismes en sécurité alimentaire des quartiers Centre-Sud et faubourg Saint-Laurent tirent la sonnette d’alarme en appelant à un financement accru et récurrent. Juste pour ces quartiers, les besoins sont estimés à 3 millions.

L’écart entre les besoins réels mesurés sur le terrain versus le soutien financier génère actuellement une famine financière pour les organismes en sécurité alimentaire. Pire, elle contraint les organismes à faire des choix déchirants pour savoir qui nourrir prioritairement parmi nos usagers et usagères. Sans le rehaussement du financement à leur mission, nous ne pourrons plus nourrir les personnes dans le besoin.

Faire des choix déchirants chaque jour

Avec la pandémie, la demande en aide alimentaire a explosé de plus de 150 %, le prix des aliments de base a augmenté en moyenne de 5 %[1] et la distribution de denrées de la part de Moisson Montréal est insuffisante pour subvenir aux besoins réels. Si l’on considère que les quartiers Centre-Sud et du faubourg Saint-Laurent sont des « déserts alimentaires », où plus du tiers de la population est considéré à faibles revenus, les enjeux en insécurité alimentaire et l’augmentation de la précarité des ménages sont extrêmement préoccupants pour les organismes.

Les organismes ne sont donc plus en mesure de répondre à leur mission de base, soit nourrir les gens. Et ces mêmes organismes sont amenés à devoir décider quotidiennement qui nourrir prioritairement parmi leurs usagers et usagères.

« Je pleure souvent, car je dois porter l’odieux de choisir à quelle personne je dois donner un panier : une famille avec des enfants affamés ou une personne âgée dont la sous-alimentation l’a menée à avoir des idées suicidaires. On est rendu à ce point. » Cécilia Lessard, directrice, Carrefour Saint-Eusèbe

Au bout du compte, en plus d’épuiser le milieu communautaire qui est sur la ligne de front pour répondre aux besoins criants, n’oublions pas que les plus grands perdants du sous-financement des organismes en sécurité alimentaire, ce sont les ménages qui peinent déjà à mettre de la nourriture sur leur table.

Voici quelques témoignages poignants de bénéficiaires qui parlent d’eux-mêmes :

« À la fin du ramadan, je demande à un père de famille de deux jeunes enfants comment s’est passé le ramadan. Il me répond : ça fait un an que je fais le ramadan; je me prive pour nourrir mes enfants, car je n’ai pas les moyens de manger plus d’un repas par jour. »

« J’ai payé mon loyer. Maintenant j’ai une place pour crever de faim en paix. »

« Un couple d’aînés : merci pour les paniers gratis. Avec les économies de nourriture, on a fait réparer nos dentiers qui faisaient mal. Après 8 mois de mou, on peut enfin manger solide! » Isabelle Noyon, directrice de Chez Émilie

Les organismes communautaires en péril

L’effet de la précarité financière des organismes se traduit souvent par une réduction de la masse salariale entraînant une désorganisation des services offerts, allant même parfois jusqu’à mettre en péril leur viabilité.

« Une coupure d’environ 80 000 $ pour le Comité social? C’est le salaire de l’intervenant et le salaire d’une personne à la cuisine. Ce sont 2 postes qui ont dû être coupés. Ces coupures ont des impacts majeurs directs et concrets sur les services aux populations plus vulnérables et sur l’équipe du Comité social Centre-Sud. Une situation déjà difficile due à la pandémie, à laquelle s’ajoute l’incertitude liée au financement du ministère de l’éducation. » Marie-Josée Desrochers, codirectrice, Comité social Centre-Sud 

« En 2020, 23 000 dépannages ont été offerts, dont 25 % des paniers ont été livrés directement chez les gens, alors qu’avant la pandémie, 15 157 dépannages étaient faits, dont 10 % en livraison. Les 4 500 livraisons supplémentaires augmentent notre charge de travail et un surplus de coûts à l’organisme. Pour 2021-2022, la situation ne va pas en s’améliorant. » – Julien Scott, directeur général de la banque alimentaire Information alimentaire populaire de Centre-Sud

Les demandes d’aide alimentaire continuent toutefois d’augmenter avec les poussées inflationnistes récentes, les fonds d’urgence n’existent plus, par conséquent la précarité du financement des organismes en sécurité alimentaire s’accentue. Les annonces gouvernementales récentes ne couvrent pas l’immensité des besoins des organismes qui peinent à compenser leurs pertes de financements. 

« Après 17 années de collaboration, notre subvention de près 97 000 $ n’a pas été renouvelée. Ce montant représente 42,9 % du budget annuel. » – Julien Scott, directeur général de la banque alimentaire Information alimentaire populaire de Centre-Sud 

 

Signataires

La Table de concertation en sécurité alimentaire (CIGAL) regroupe 10 organismes de première ligne en sécurité alimentaire ainsi que plusieurs partenaires du quartier.

La Table CIGAL a pour mission de promouvoir la sécurité alimentaire de la population du quartier Centre-Sud, de promouvoir la concertation entre ses membres et de proposer une diversité de solutions pour répondre aux besoins grandissants des citoyen.ne.s. 

Contacts

Annik Reinhardt. Chargée de concertation à la Corporation de développement communautaire (CDC) Centre-Sud

514-521-0467   |   annik@cdccentresud.org

Des organismes se mettent disponibles pour répondre aux médias.

Un avis des organisatrices et organisateurs communautaires du CIUSSS Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal sur les enjeux en sécurité alimentaire peut également vous être transmis.


[1] NGUYEN, Minh.  SCHEPPER, Bernard.  (2020) « La COVID-19 et les prix des aliments : la pandémie des inégalités? », https://iris-recherche.qc.ca/blogue/la-covid-19-et-le-prix-des-aliments-la-pandemie-des-inegalites